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Réforme du cannabis thérapeutique et récréatif en Italie
L’Italie a une relation intéressante avec le cannabis. Le pays a légalisé l’herbe pour certaines pathologies médicales en 2013. Depuis, l’armée cultive de grandes quantités d’herbe dans une usine pharmaceutique. Aujourd’hui, les citoyens ont la possibilité de dépénaliser la possession et la culture de cannabis lors d’un référendum prévu en 2022.
Sommaire:
L’Italie pourrait être sur le point de dépénaliser le cannabis. Les activistes du pays ont fait campagne pour des lois plus libérales par le passé, mais sans grand succès. Aujourd’hui, une alliance d’organisations et de partis politiques favorables au cannabis a lancé une initiative de vote pour dépénaliser la culture personnelle et mettre fin aux amendes pour usage personnel. Cette alliance travaille également directement sur un décret qui pourrait modifier le système d’amendes pour les infractions mineures.
Le Referendum Cannabis Legale vise à modifier certains articles de la loi sur les stupéfiants qui maintiennent une sanction pénale pour ces usages.[1] Ces modifications ne légaliseront pas le cannabis récréatif, mais elles rendront la vie beaucoup plus simple aux millions de personnes qui cultivent et fument cette herbe à l’intérieur des frontières du pays. En cas de succès, le référendum entraînera les changements clés suivants :
Des sanctions pénales moins sévères | Une infraction mineure sera introduite pour les cas moins graves de production et de vente illégale. |
Culture | Le référendum dépénalisera la culture d’un maximum de quatre plants de cannabis. |
Aide aux personnes vulnérables | Au lieu de purger des peines de prison, les « toxicomanes » recevront un emploi à un poste socialement utile. |
Renforcement des sanctions pénales | Des peines plus sévères seront attribuées pour les infractions à la législation sur les drogues impliquant des mineurs et les violations des autorisations médicales et de recherche. |
Des sanctions pénales moins sévères |
Une infraction mineure sera introduite pour les cas moins graves de production et de vente illégale. |
Culture |
Le référendum dépénalisera la culture d’un maximum de quatre plants de cannabis. |
Aide aux personnes vulnérables |
Au lieu de purger des peines de prison, les « toxicomanes » recevront un emploi à un poste socialement utile. |
Renforcement des sanctions pénales |
Des peines plus sévères seront attribuées pour les infractions à la législation sur les drogues impliquant des mineurs et les violations des autorisations médicales et de recherche. |
Comprendre la réforme du cannabis en Italie
Conformément à la loi italienne, le Referendum Cannabis Legale[2] devait obtenir 500 000 signatures numériques avant la fin du mois de septembre 2021 pour pouvoir procéder à une campagne de vote. Les étoiles se sont alignées et la pétition a obtenu plus de 630 000 signatures. Plusieurs facteurs ont fait de cet effort un succès retentissant. Tout d’abord, environ six millions d’Italiens consomment actuellement du cannabis à des fins récréatives et un récent sondage a montré que 47,8 % de la population est favorable à la légalisation des drogues douces.[3]
L’adoption d’un système de vote numérisé quelques semaines avant la campagne a également contribué à ce succès retentissant ; auparavant, les citoyens devaient signer des pétitions en personne.
Cet énorme soutien du public signifie que les Italiens auront la possibilité de voter « oui » ou « non » lors d’un référendum qui aura probablement lieu en 2022.[4] Les citoyens n’auront pas seulement l’occasion de rapprocher le pays de la légalisation du cannabis, mais ils pourront aussi exprimer un vote qui contribuera à dégonfler le marché noir gangrené par la criminalité qui engrange actuellement des milliards d’euros grâce au trafic de cannabis.
Opposition politique et obstacles
Malgré l’optimisme, il existe un clivage politique qui pourrait étouffer le mouvement vers la décriminalisation. Les membres des partis Lega et Fratelli d’Italia s’opposent au mouvement, le qualifiant de « prélude à la légalisation » qui « finirait inévitablement par favoriser la consommation de drogues ainsi que la promotion de comportements dangereux qui menacent le droit à la santé inscrit dans notre Constitution ».[5] Les deux partis de droite ont tenté de bloquer la pétition, mais les groupes de centre-gauche Partito Democratico et +Europa ont réussi à repousser l’obstruction.[6]
Avec un référendum assuré, les choses s’améliorent pour l’Italie. Si la nation s’unit et dit « oui », les consommateurs et les cultivateurs de cannabis du pays pousseront un grand soupir de soulagement. La possibilité de cultiver quatre plants à des fins personnelles permettra aux consommateurs récréatifs de s’adonner à leur passion en toute tranquillité ; de nombreux Italiens feront vraisemblablement leur « coming out » de cultivateurs et partageront ouvertement leur hobby sans crainte de poursuites.
À l’heure actuelle, la possession de petites quantités de cannabis est passible d’amendes et de la suspension de papiers personnels comme le permis de conduire. La culture du cannabis, en revanche, peut résulter en l’emprisonnement des cultivateurs. Bien que de nombreux usagers récréatifs et médicaux choisissent de cultiver leur propre cannabis en toute discrétion, la possibilité de cultiver et de transporter du cannabis sans être puni leur apportera une certaine tranquillité d’esprit.
Ne vous méprenez pas, ce changement dans la loi sur les stupéfiants ne légalisera pas le cannabis. Nous devrons probablement attendre encore plusieurs années avant de voir des coffeeshops ou des dispensaires légaux dans les rues de Rome, Milan ou Naples. L’Italie atteindra-t-elle un jour le statut d’États américains comme la Californie où de petites entreprises indépendantes fabriquent de l’herbe artisanale pour la vendre aux clients des environs ? Nous l’espérons.
Mais le peuple italien n’est pas novice en matière de réforme du cannabis. Le pays a légiféré au cours des deux dernières décennies. Ci-dessous, nous allons nous pencher sur les événements qui ont contribué à modifier la perception de l’herbe par la nation et à ouvrir la voie à la dépénalisation.
Le cannabis médical en Italie : l’histoire
Le gouvernement italien a légalisé le cannabis médical en janvier 2013. Cette mesure révolutionnaire a permis aux patients souffrant de certaines maladies d’obtenir une ordonnance de cannabis de leur médecin. Toutefois, les directives du gouvernement exigent que les patients essaient les traitements conventionnels avant de recourir au cannabis. Pour avoir droit à une ordonnance, les patients doivent souffrir de l’une des pathologies suivantes :
Douleurs chroniques | Glaucome | Syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) | |||||
Vomissements et nausées dues à la chimiothérapie, à la radiothérapie et aux thérapies anti-VIH | Lésion de la moelle épinière | Sclérose en plaques | |||||
Stimulants pour l’appétit chez les patients souffrant d’anorexie, de cachexie et du SIDA |
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La législation modifiée a soulagé de nombreux patients, mais le pays s’est rapidement heurté à des problèmes cruciaux. Au départ, l’État ne couvrait pas le coût des médicaments à base de cannabis — qui pouvaient atteindre 50 € — et de nombreux patients éligibles n’avaient pas les moyens d’y accéder. Les listes d’attente de plusieurs mois n’ont fait qu’aggraver la situation. Conscient du problème, le gouvernement italien a pris une décision surprenante : il a recruté l’armée pour faire pousser de l’herbe dans le pays. Pour tenter de faire chuter les prix, l’armée a mis en place des fermes de cannabis à prix réduit dans une usine pharmaceutique de Florence avec pour objectif de récolter 100 kg par an.[7]
Le personnel militaire a géré l’ensemble du processus de production, de la germination des graines au séchage et au broyage des têtes. En 2017, les militaires ont réussi à diminuer le coût du cannabis d’environ 30 %. L’armée travaille toujours d’arrache-pied pour produire des fleurs de cannabis avec l’objectif d’augmenter la production de l’installation pour produire 300 kg d’herbe par an.
Malgré l’aide de l’armée, le gouvernement italien s’est tourné vers le secteur privé pour augmenter l’offre. En février 2021, Bio Hemp Farming est devenue la première entreprise à recevoir l’autorisation du ministère de la Santé de cultiver et d’extraire du cannabis médical.[8] Placer la production de cannabis entre les mains d’entreprises privées ne contribuera pas seulement à renforcer l’offre, mais sera également une aubaine pour l’économie ; les estimations font état d’un revenu annuel de 1,4 milliard d’euros pour le secteur. Le marché du cannabis médical a connu une augmentation de 30 % rien qu’en 2020.[9]
Les patients médicaux en Italie ont actuellement accès à divers produits. Contrairement aux patients de nombreux autres pays, ils ne sont pas seulement limités aux médicaments à base de cannabis qui exploitent 1–2 cannabinoïdes clés. Les médecins sont en mesure de prescrire des produits à base de plantes préparées dans des pharmacies spécialisées.[10]
La débâcle du cannabis light
Les Italiens bénéficient d’un cannabis légal à faible teneur en THC depuis que le gouvernement a légalisé le chanvre en 2016. À l’époque, la loi plafonnait ces produits à une teneur en THC de 0,6 %. Il n’a pas fallu longtemps pour que les détaillants commencent à vendre des produits « cannabis light » à faible teneur en THC qui sont devenus extrêmement populaires en 2017.[11] En fait, le cannabis light est devenu si populaire qu’il a commencé à avoir un impact sur l’industrie pharmaceutique. Une étude publiée dans le Journal of Health Economics a enregistré une baisse de 11,5 % des ventes de médicaments contre l’anxiété, une baisse de 10 % des sédatifs et une réduction de 4,8 % des antipsychotiques pendant le pic de popularité.[12]
Cependant, en mai 2019, le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini a lancé une campagne contre les produits au cannabis light. Les lois sur le cannabis dans le pays n’autorisent désormais que la vente de produits à base de cannabis totalement dépourvus d’effets psychoactifs.
Le Referendum pourrait changer la vie des cultivateurs italiens
Il est difficile de trouver un argument logique pour voter « non » au référendum à venir. L’Italie est sur le point d’adopter la dépénalisation. Autoriser les cultivateurs à cultiver quatre plants chez eux contribuera à résoudre les problèmes d’approvisionnement en cannabis médical et ces derniers pourront cultiver les variétés qui leur conviennent le mieux. Étant une plante complexe, le cannabis produit toute une série de substances phytochimiques qui agissent de différentes manières selon les personnes.
Le public italien semble également prêt à renforcer sa relation avec le cannabis. Une grande partie de la population souhaite la dépénalisation des drogues douces et la saga du cannabis light ne fait que souligner l’ampleur de la demande de cannabis en Italie.
- Firma - Referendum per la cannabis legale https://referendumcannabis.it
- Cannabis, al via un referendum per la legalizzazione - la Repubblica https://www.repubblica.it
- Temi etici: l’opinione degli italiani https://www.cnos-fap.it
- Italy cannabis referendum likely next year - CNN https://edition.cnn.com
- Cannabis, si potrà coltivare in casa. Alla Camera la nuova legge ma la maggioranza si spacca - la Repubblica https://www.repubblica.it
- “The coup foiled” – right-wing parties try to block the Italian referendum on cannabis https://canex.co.uk
- Italy: Army unveils 'cut-price cannabis' farm https://www.bbc.co.uk
- Farmaci dalla canapa, prima autorizzazione italiana https://www.ilsole24ore.com
- The Medical Cannabis Market in Italy Grew 30% in 2020 https://prohibitionpartners.com
- Cannabis law and legislation in Italy https://cms.law
- Italians Love Cannabis Light. What Is It? https://www.greenentrepreneur.com
- Do-It-Yourself medicine? The impact of light cannabis liberalization on prescription drugs - PubMed https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov