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Le cannabis peut-il aider contre les acouphènes ?
Imaginez un bourdonnement d’oreille qui ne s’arrête jamais, dès le réveil, il siffle toute la journée et vous empêche de vous endormir. L’acouphène réduit la qualité de vie et peu de traitements existent. Le cannabis est de plus en plus populaire et les chercheurs se demandent si l’herbe pourrait mettre un terme aux sifflements.
Sommaire:
Acouphène. Si vous souffrez de ce mal, vous savez à quel point il peut être dérangeant (ou dévastateur) d’entendre sans relâche ce maudit sifflement. La science moderne a découvert quelques stratégies de gestion, mais il n’existe à cette heure pas de remède. Découvrez les causes de ce trouble, les traitements existants et si le cannabis est en mesure d’aider à stopper le sifflement.
Qu’est-ce que les acouphènes ?
Avez-vous déjà fait l’expérience d’un sifflement soudain dans votre oreille ? Pour de nombreuses personnes, ces étranges sursauts sonores ne durent que quelques secondes et le silence revient. Appelés « bruits de l’oreille transitoires », ces bourdonnements provoquent au pire une gêne mineure. Mais pour d’autres personnes, le sifflement ne disparait jamais. Les personnes qui souffrent d’acouphènes chroniques vivent avec ce bruit subjectif incessant dans l’oreille et beaucoup doivent faire le deuil du silence.
Bien que les acouphènes aient l’air d’un trouble rare et obscur, il y a près de 16 millions de personnes adultes[1] qui vivent avec ce trouble rien qu’en France. Ce chiffre est énorme et pose un véritable défi aux systèmes de santé du monde entier autant en termes de traitements primaires que de gestion des comorbidités[2] telles qu’une qualité de vie médiocre, de l’anxiété, de la dépression, des troubles du sommeil et une perte de l’audition.
La sévérité et le type d’acouphène varient d’un patient à l’autre. Ces derniers peuvent entendre toute une gamme de son y compris :
- Tintement
- Sifflement
- Rugissement
- Bruit de vague
- Bruit statique
- Pulsation
- Cliquetis
- Bourdonnement
- Tonalités du type tonalité d’appel
Causes des acouphènes
Même si de nombreuses personnes font l’expérience de sons similaires lors de leurs acouphènes, plusieurs causes sont à la base de ce trouble. Globalement, l’acouphène tombe dans une des catégories suivantes : objectif ou subjectif. Dans les cas d’acouphène objectif, les professionnels de santé peuvent détecter un son audible émanant du canal auditif, tandis que les sons entendus lors de l’acouphène subjectif ne sont audibles que par l’individu qui en souffre.
La cause exacte et la physiopathologie des acouphènes restent inconnues et de nombreuses théories ont tenté d’expliquer ses mécanismes sous-jacents. La plupart de ces théories se centrent autour d’une perte d’audition provoquée par des dégâts sur différents composés du système auditif.
L’oreille est composée de trois principales parties qui contribuent à l’audition : l’oreille externe, moyenne et interne. L’oreille interne contient la cochlée, un organe contenant du liquide et abritant environ 15 000 minuscules cellules ciliées, appelées stéréocils. Les vibrations sonores font bouger les cellules qui transmettent le signal au nerf vestibulocochléaire, puis au cerveau.
En cas de perte auditive, les dommages causés aux stéréocils peuvent entraîner des signaux spontanés des cellules intactes vers la cochlée, entraînant à leur tour la perception d’acouphènes chez certains patients. Ce modèle est connu sous le nom de discordant theory[3] et désigne le système nerveux périphérique comme générateur de ce trouble.
D’autres théories se concentrent sur le système nerveux central. Par exemple, la théorie de la plasticité auditive[4] suggère que les dégâts liés à la cochlée augmentent l’activité neuronale dans la voie auditive centrale. Dans de tels cas, l’acouphène survient dans le cerveau lui-même, plus spécifiquement dans les zones liées au traitement du son.
L’acouphène somatosensoriel peut également expliquer la persistance du tintement chez certains patients. Ce modèle suggère que les fibres nerveuses localisées autour de la mâchoire et du coup pourraient aussi se projeter sur le système auditif central. Des pathologies qui surviennent autour de ces sites anatomiques, tels que les troubles temporo-mandibulaires (TMD), pourraient jouer un rôle dans les acouphènes.
Globalement, l’acouphène a de bonnes chances d’avoir plusieurs sources, y compris :
- Perte auditive liée à l’âge
- Perte auditive due au bruit
- Obstructions dans l’oreille moyenne
- Traumatisme de la tête et du cou
- TMD
- Névrome acoustique (une tumeur bénigne qui se développe sur les nerfs de l’oreille interne)
- Médicaments ototoxiques, notamment certains anti-inflammatoires et antibiotiques
- Troubles médicaux tels que la maladie de Ménière et les problèmes de thyroïde
Traitements actuels de l’acouphène
Vous savez désormais que l’acouphène peut avoir toute une variété de causes et que ce trouble va de la perturbation mineure jusqu’à frôler la torture. Mais la science a-t-elle la moindre réponse à apporter en ce qui concerne le traitement de ce trouble ? Bien qu’il n’existe pas de remède, les chercheurs travaillent activement aux traitements qui ciblent directement l’intensité de l’acouphène et à des thérapies capables d’aider les patients à supporter cette nuisance. Parmi les principaux traitements et les plus expérimentaux, on retrouve :
- Pharmacothérapie: Seule une poignée de médicaments[5] se sont montrés plus efficaces que des placebos lors d’essais randomisés sur l’acouphène, parmi eux : nortriptyline, amitriptyline, alprazolam, clonazepam et oxazepam.
- Thérapie cognitive: Le suivi et la restructuration cognitive aident certains patients à faire face au poids psychologique des acouphènes. Les techniques mises en place comprennent l’imagerie positive, le contrôle de l’attention et l’entraînement à la relaxation.
- Thérapie par le son: Les sons non intrusifs, du type court d’eau, pluie et cascade peuvent aider à réduire l’activité neuronale à la base des acouphènes.
- Tinnitus retraining therapy (TRT) : Cette approche emploie la neuroplasticité pour essayer d’habituer les patients aux sons provoqués par leurs acouphènes.
- Suppression électrique: Les impulsionLes impulsions électriques dirigées vers la cochlée sont connues pour supprimer considérablement ou complètement les acouphènes dans certains cas.
- Mélatonine: Des recherches limitées montrent que la mélatonine[6] pourrait aider à réduire la sévérité de l’acouphène chez certains patients.
Les cannabinoïdes aident-ils contre les acouphènes ?
Une grande gamme d’options de traitements est disponible pour les patients atteints d’acouphènes. Cependant la plupart de celles-ci ne sont que partiellement efficaces et certains patients ne répondent bien à aucune approche existante. Aujourd’hui, de nombreux pays et états sont en train de légaliser le cannabis médical pour traiter un large spectre de troubles, alors l’herbe a-t-elle une place dans la gestion future des acouphènes ? Existe-t-il une relation suffisamment importante entre le cannabis et l’oreille interne ?
Avant de nous plonger dans les recherches disponibles sur le cannabis et les acouphènes, il est utile de parler du système endocannabinoïde (SEC). Ce réseau de régulation à l’échelle de l’organisme aide à maintenir l’équilibre de nombreux systèmes physiologiques importants et joue également un rôle important dans l’oreille et le cerveau.
Le système endocannabinoïde et les acouphènes
Pour faire simple, le SEC aide le corps à rester dans un état d’équilibre, il évite que d’autres systèmes s’affaiblissent ou soient surmenés. Mais à quoi est due cette action ? En tant que réseau de signalisation cellulaire, il utilise une série de récepteurs, de molécules de signalisation (appelées endocannabinoïdes) et d’enzymes pour communiquer entre les cellules et provoquer les changements nécessaires en leur sein.
Il s’avère que les cannabinoïdes présents dans le cannabis, comme le THC, ont une structure similaire aux molécules de signalisation du SEC et peuvent activer ses récepteurs et moduler le système.
Des composants du SEC sont présents dans l’oreille et dans les zones du cerveau impliquées dans la perception du son. Par exemple, il est prouvé que la signalisation des cannabinoïdes joue un rôle clé dans le développement, la maturation et le fonctionnement des cellules ciliées cochléaires. Des études animales[7] ont découvert la présence de récepteurs CB1 (le site auquel le THC et plusieurs endocannabinoïdes se lient) dans les neurones qui innervent les cellules ciliées. Certaines études murines ont même réussi à supprimer le gène codant pour les récepteurs CB1 et ont constaté que cela affectait l’audition dans une certaine mesure.
Mais le SEC inclut bien plus que seulement les récepteurs CB1. Ce réseau comprend aussi le récepteur CB2 et des sites tels que le TRPV1[8] (un possible récepteur CB3). Comme ces trois sites se trouvent dans la cochlée, il est intéressant de déterminer si les cannabinoïdes dérivés du cannabis peuvent moduler notre physiologie dans cet appareil sensoriel critique.
Pour couronner le tout, des composés du SEC se trouvent dans le noyau cochléaire, un site situé dans le tronc cérébral qui sert de première structure auditive centrale recevant des informations de la cochlée via le nerf auditif.
Qu’en dit la recherche ?
Alors, nous savons que le SEC s’étend au système auditif. Mais ce cannabinoïde impacte-t-il ce réseau d’une manière favorable en ce qui concerne l’acouphène ? Certains indices semblent en faire un domaine de recherche prometteur. Par exemple, les acouphènes dus à l’hyperactivité du noyau cochléaire sont considérés comme une forme d’épilepsie sensorielle et les scientifiques étudient actuellement les propriétés antiépileptiques du cannabis[9].
Malheureusement, la recherche n’en est qu’à ses balbutiements et aucune étude randomisée menée sur l’humain n’a exploré les effets des composés du cannabis sur l’acouphène. Pour le moment, nous n’avons que des indices issus d’études menées sur les animaux et des données subjectives rassemblées par le biais de questionnaires.
Une étude sur les rats publiée dans Frontiers in Neurology a révélé que les agonistes CB1 (molécules qui activent les récepteurs CB1) peuvent en fait augmenter les acouphènes[10] induits par un traumatisme acoustique. Une autre étude sur des rongeurs a révélé que les rats qui exprimaient un comportement lié aux acouphènes présentaient une expression CB1 significativement plus faible dans les neurones du noyau cochléaire, ce qui suggère que le récepteur joue un rôle fonctionnel[11] dans le traitement auditif et les acouphènes eux-mêmes.
Globalement, les études animales n’ont pas présenté de preuves que les cannabinoïdes inversent les acouphènes, mais certaines preuves suggèrent qu’il pourrait aggraver ce trouble. Cependant, ces études se sont concentrées sur les agonistes du CB1. Espérons que de futures études permettront d’explorer le rôle des antagonistes CB1 (molécules qui bloquent les récepteurs) et des agonistes inverses (substances qui diminuent l’activité d’un récepteur). En outre, des recherches axées sur d’autres sites récepteurs, tels que CB2 et TRPV1, sont également nécessaires.
Qu’en est-il des recherches menées sur l’humain ? Une enquête de 2019[12] a révélé une association significative entre la consommation de cannabis et les acouphènes, alors qu’une enquête réalisée en 2010 n’a trouvé aucun lien statistiquement significatif. De plus, une étude[13] réalisée en 1975 a révélé davantage de cas d’acouphènes chez les patients ayant reçu du THC que chez ceux ayant reçu un placebo.
Le CBD peut-il aider contre l’acouphène ?
La popularité du CBD continue d’exploser en raison de sa nature non psychotrope et généralement bien tolérée. L’accès très répandu et facile à ce cannabinoïde signifie que les gens peuvent utiliser des produits au CBD dans le but d’essayer de s’adresser à de nombreux troubles. Mais le CBD peut-il aider contre les acouphènes ?
Une fois encore, ce domaine fait face à un manque cruel de recherches. Nous savons que le CBD influence le SEC d’une manière différente de celle du THC. Il ne se lie pas au CB1 avec beaucoup d’affinité et il fonctionne comme un agoniste du TRPV1. Mais qu’est-ce que cela signifie pour les personnes souffrant d’acouphènes ?
Un examen publié dans Frontiers in Neurology note que des études en cours examinent les propriétés neuroprotectrices et anti-inflammatoires du CBD, ce qui pourrait en faire un candidat pour ce trouble[14] lorsque davantage de preuves seront disponibles.
L’anxiété et le stress sont également reconnus comme des déclencheurs d’acouphènes et peuvent provoquer des pics d’acouphènes. Des essais en cours sur l’humain[15] étudient le CBD à l’encontre de modèles d’anxiété et cherchent à découvrir comment il influence les différentes régions du cerveau impliquées dans ce problème de santé mentale.
Le cannabis soulage-t-il ou empire-t-il l’acouphène ?
Dans l’état actuel des choses, nous n’en savons tout simplement rien. Le peu de recherches menées suggère que les agonistes du CB1, y compris le THC, pourraient exacerber et même provoquer des acouphènes chez certaines personnes. Mais le cannabis est une espèce de bio-usine capable de produire un tas de différentes molécules qui influent sur le SEC de bien des manières.
Les acouphènes représentent un défi monumental pour la science et les systèmes médicaux, ainsi que pour les personnes qui subissent ce tourment auditif à chaque heure du jour. Les chercheurs travaillent dur à trouver un remède et les traitements actuels ne sont pas suffisants pour la majorité des individus.
Maintenant que le cannabis se fraie doucement son chemin au sein de la médecine générale, nous espérons que des subventions seront allouées pour permettre aux scientifiques de dépeindre une image plus claire du rôle du SEC dans l’audition et de l’impact des cannabinoïdes sur les voies auditives du corps humain.
- Tinnitus: Characteristics, Causes, Mechanisms, and Treatments - PMC https://www.ncbi.nlm.nih.gov
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- Melatonin: Can it Stop the Ringing? https://journals.sagepub.com
- A Complete Guide To The Endocannabinoid System - Royal Queen Seeds https://www.royalqueenseeds.com
- Frontiers | Cannabinoid Signaling in Auditory Function and Development | Molecular Neuroscience https://www.frontiersin.org
- Vanilloid Receptors in Hearing: Altered Cochlear Sensitivity by Vanilloids and Expression of TRPV1 in the Organ of Corti - PMC https://www.ncbi.nlm.nih.gov
- Cannabinoids in the Treatment of Epilepsy: Current Status and Future Prospects - PMC https://www.ncbi.nlm.nih.gov
- Frontiers | Cannabinoid CB1 Receptor Agonists Do Not Decrease, but may Increase Acoustic Trauma-Induced Tinnitus in Rats | Neurology https://www.frontiersin.org
- Does cannabis alleviate tinnitus? A review of the current literature","https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/lio2.479 https://onlinelibrary.wiley.com
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- Cannabinoids, Inner Ear, Hearing, and Tinnitus: A Neuroimmunological Perspective - PMC https://www.ncbi.nlm.nih.gov
- Cannabidiol as a Potential Treatment for Anxiety Disorders | SpringerLink https://link.springer.com